D’une pieuvre à l’autre
La pieuvre l’avait toujours hantée. Parmi les multiples documentaires animaliers du web en figurent quelques-uns qui décrivent cet animal comme l’un des plus intelligents du milieu marin. Dans l’imaginaire humain, c’est un animal très inquiétant. Elle l’avait d’ailleurs croquée puis sculptée en femme un peu bigote, comme bloquée : femme un peu âgée aux jambes serrées dans une robe sac longue, assise comme à la messe agrippée à son sac-à-main. Elle avait alors en tête le portrait d’une femme de président, peut être notre voisine, peut être aussi une héroïne de Mauriac ou bien une quelconque Folcoche.… Elle paraissait chargée par le poids de la vie, triste, ne sachant pas sourire, sans tendresse ou sans amour. Inquiétante donc. La réalisation d’une pièce de théâtre (en collaboration avec le théâtre de l’orage) fut l’occasion d’en faire une actrice en tournée jusque dans le massif de la Grande Chartreuse. Finalement elle a trouvé sa juste place en Côte d’Opale à 200m de la mer (acquisition du Musée de Berck 2015). La dernière représentation de cet animal « Sur la plage de Berck » a inversé le propos. La pieuvre est devenue l’amie d’une petite fille : en bronze elle trône sur une terrasse dominant Anvers. De l’animal à l’humain, puis de l’humain à l’animal : d’une pieuvre à l’autre, de la peur à la rencontre.
Gilles Baconnier